Je questionne mon alimentation en temps de confinement
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Le confinement vient bouleverser mon quotidien et ma vie sociale, professionnelle comme privée.  Toutes mes habitudes sont bousculées, l’équilibre de mon existence est perturbé. Mais il me reste encore un mini-plaisir ! Mieux ! Une raison officielle de sortir !! Effectuer des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées. Mon harnachement sanitaire enfilé, les gestes barrières révisés, je me glisse dans la peau du chasseur-cueilleur 2.0.

Quels sont ces établissements ?

En grande majorité ce que nous mangeons passent par les supermarchés. Pour les personnes qui ont le temps le marché. Mais pas de chance durant le confinement, certaines municipalités ont fermé les marchés. C’est le cas à Paris en tous cas La municipalité de Paris vient de mettre en place un système de commande de produits frais via le site paris.fr, pour les personnes aisées , la chasse cueillette se fait en ligne. Cependant si les produits frais sont meilleurs pour notre santé, et donc les marchés préférables aux supermarchés, notre réflexion sur l’alimentation ne doit pas s’arrêter à mi-chemin.

Quelles sont les conséquences d’un tel régime industriel et de produits transformés pour notre santé ?

Notre intestin héberge des micro-organismes qui nous aide à assimiler les aliments, le microbiote intestinal. Un microbiote riche nous aide aussi à lutter contre certaines pathologies comme le diabète, les cancers les AVC ou les crises cardiaques. Or la consommation de produits industriels appauvrit le microbiote. Notre corps se défend moins bien. La prochaine fois que vous achetez de la malbouffe en promo qui vous semble peu chère, pensez aussi aux potentiels frais médicaux ! Le diabète, tue, en moyenne, une personne toutes les 6 secondes dans le monde.(plus que le COVID-19 !)

L’obésité est apparue dans les années 70, pourquoi ?

Notre régime alimentaire comporte plus de produits transformés, distribués par les supermarchés. Pratiques car ouverts tard, proposant des produits « comme » dans notre enfance. « Comme » pourrait paraître un détail insignifiant, mais le diable se cache dans les détails.

Dans notre enfance, on allait au jardin de Mamie et on savait ce qu’on mangeait, d’où les produits provenaient. Aujourd’hui, la composition exacte et la provenance sont souvent troubles voire inconnues. Des logos sont censés nous rassurer. E334,’’ Fabriqué en France’’.  A combien de kilomètres de chez moi. ? Avec quels produits de base. Ça peut nous sembler bon mais à quel prix ? A chaque transformation, on ajoute une couche de flou et avec cette couche de flou, un ticket possible pour les problèmes de santé.

Sans compter l’impact social, le délitement du tissu des petits commerces qui faisaient le charme de nos villages ou de nos quartiers. Je ne suis pas un nostalgique du temps passé, je m’interroge juste sur la distance croissante entre le consommateur et le producteur. L’accroissement de cette distance constitue-t-elle un ‘progrès’ ?

Quelles sont les conséquences d’un tel système industriel pour notre agriculture ?

Entre le consommateur final (nous) et les producteurs (les agriculteurs), il existe toute une chaîne d’intermédiaires, des transformateurs, des transporteurs, des centrales d’achats, encore des transporteurs, pour arriver au supermarché, le distributeur final. Chacun de ces intermédiaires est un acteur économique qui cherche à maximiser ses profits en diminuant le prix d’achat et en augmentant le prix de vente. L’action du consommateur (nous) impacte, par effet domino, une action sur les ‘’choix’’ des producteurs

 Ces producteurs n’ont en fait plus de choix sur rien : prix de vente, mode de production, ils doivent respecter des cahiers des charges de plus en sévères sinon les produits sont jetés, Ils sont soumis à la pression des distributeurs qui veulent toujours acheter moins chers. Les distributeurs, sous couvert du pouvoir d’achat (mais en fait pour augmenter leur marge), importent, ils mettent en concurrence les pays entre eux, Résultat : le nombre de fermes en France a été divisé par 2 en 50 ans. L’Etat, l’Europe et l’OMS aident les supermarchés avec les accords commerciaux internationaux (CETA,TAFTA…).

 Rungis, plus grand marché frais d’Europe, est alimenté par ce type d’agriculture lui aussi. Véritable « supermarché pour grossistes », il alimente les marchés. Donc même à travers les marchés, nous cautionnons ce modèle d’agriculture

Producteurs et consommateurs ne se connaissent plus. En transformant et en industrialisant à outrance, on a coupé ce lien. Pour soutenir la croissance des années 70, les agriculteurs sont devenus dépendants d’une logique productiviste :  toujours plus de produits chimiques (engrais, pesticides…). On ne faisait alors pas attention à l’appauvrissement des sols, à l’érosion de la biodiversité. Personne ne se souciait non plus de qualité ou de bien-être par l’alimentation. La demande de bio aujourd’hui est un sursaut citoyen pour contrebalancer ces effets pervers. La demande de produits locaux, une manière de recréer ce lien.

               

Quelles sont les conséquences d’un système industriel pour la planète ?

 

Baladez-vous dans les rayons de votre supermarché. Les produits sont emballés, suremballés et, lors de la livraison, on rajoute une couche de film plastique pour les maintenir en palettes. Pas vraiment propre même si on nous dit que c’est plus hygiénique ! Votre concentré de tomates : récoltées dans un pays, transformées dans un autre et emballées dans un troisième. Un joli bilan carbone et une possible pénurie en cas de fermeture des frontières. Les supermarchés ont aussi la fâcheuse tendance à nous proposer des produits hors saison : profitant de notre ignorance, ils nous proposent, en plein hiver, des produits provenant de l’hémisphère Sud. Là-bas c’est l’été !!

Mais alors sachant tout ça, quelle alternative ?

 

C’est vrai les supermarchés sont pratiques, proposent beaucoup de choix, et sont ouverts tard. Mais demandons-nous quel modèle agricole est la conséquence de ce système industriel ? Bien nous nourrir n’est pas sa priorité, nos sommes des cibles, des clients, brefs des parts de marché à conquérir. Moins de lien humain, hormis ma carte de fidélité, et toujours plus de marge !

Il y a pourtant des possibilités de se nourrir en local, de payer un prix juste (bien moins élevé que dans les magasins bio ou les marchés). De connaître les productrices et les producteurs qui cultivent à quelques kilomètres de chez soi. De leur garantir un revenu correct,

Comment faire ?

En achetant en direct, sans aucun intermédiaire, les produits qu’ils auront fait grandir avec amour et respect de la terre, dans le respect des principes agro-écologiques et sans produits de synthèse, majoritairement en biologique. Ce système solidaire s’appelle les AMAP. association pour le maintien d’une agriculture paysanne.

Dans une AMAP on se questionne, on apprend : « quel est ce légume ? comment le cuisiner ? Tiens pourquoi cette année il y a plus d’épinards ? pourquoi les tomates sont plus tardives cette année ? Ah bon c’est en août les tomates ?? et les pommes et les poires ce n’est qu’à l’automne sinon elles ont été mises dans un frigo ? »

Dans une AMAP, on rencontre notre productrice, producteur chaque semaine, on a une relation directe avec elle, lui. Elle, il produit pour nous, on peut parler de tout avec eux : ravageurs, cahier des charges biologique, permaculture, engrais animal ou végétal, récoltes, etc… Les consommateurs deviennent des acteurs quand ils vont aider à la ferme pour récolter plusieurs tonnes de patates. Ils ressentent un jour dans l’année dans leurs corps la difficulté de ce magnifique et vital métier de nourrir la population.

Les ventes en direct sont aussi des alternatives aux supermarchés mais ils leur manque souvent ce lien solidaire avec les paysans qui donne son identité à l’AMAP. N’oublions pas que la malbouffe ce ne sont pas que les fast foods . on nous vend aussi du « trop salé, trop gras, trop sucré » dans les supermarchés.

 Les marchés, s’ils fournissent des produits frais meilleurs pour la santé, se fournissent à Rungis et reste un maillon important du modèle agricole industriel avec de nombreux intermédiaires et beaucoup de produits chimiques.

Le confinement nous bouscule, nous amène à nous poser des questions, à retrouver notre sens critique, à questionner, comme un enfant, ce qu’on nous propose comme évident.  Pourquoi devrions-nous nous satisfaire d’aller dans “des magasins autorisés” ? A côtoyer les autres consommateurs on risque le COVID-19 ; à consommer trop de produits transformés, on risque le diabète, l’obésité ou d’autres maladies.

Signer des pétitions contre les pesticides ne suffit pas si nous voulons réellement nous prémunir de ruptures d’approvisionnement, nous devons collectivement boycotter les supermarchés pour que le modèle agricole change. Et surtout nous interroger sur l’origine des produits que nous achetons et leur mode de production. Et acheter en direct aux producteurs, productrices le plus possible. La démocratie locale passe aussi par notre assiette.

Bon appétit et bonne chance !

Groupe EELV Paris 15e